La maison d'Alexandra1

Arrivant à l’orée de la forêt, le regard de Godeline est attiré par des oiseaux très colorés volant un peu plus loin, et qui soudainement vont se poser sur la tête de la jeune Alexandra. Elle entend tout le petit groupe éclater de rire !

Alors, elle s’avance lentement entre les troncs majestueux des chênes et des hêtres jusqu'au chemin ensoleillé qui la conduit à la maison tout près des tables garnies de mets appétissants. Elle est vêtue d'une robe blanche et porte des fleurs dans les cheveux. Elle tient quelque chose dans les mains...

Miellye suivait Alex tout en l'écoutant… et lorsque le mot "grillade" fut prononcé, Arnold détala pour sauter dans le giron maternel. Miellye le rattrapa juste à temps, évitant de justesse qu'il ne se retrouve sur son séant. Il s'empressa d'enfouir son groin dans le chemisier de Miellye et s'empara d'un de ses mamelons qu'il téta avidement sans aucune gêne.

Le pauvre petit, se remit à trembler comme une feuille alors que Miellye dont les caresses verbales se faisaient rassurantes, se fit tendre et douce. Ses touts petits yeux allaient de Miellye à Alex puis, à Noctuel qui s'approcha pour murmurer à l'oreille de la cousine, qu'il valait mieux éviter tous les mots désignant quelque cuisson que ce soit en présence d'Arnold.

Celle-ci hocha la tête pour signifier qu'elle avait compris et caressa le crâne du porcelet qui ne bronchait pas de sa position.

Noctuel et Miellye regardaient tous les préparatifs fait par Alex et qui avaient sûrement pris tout son temps.

C'est magnifique Alex! Tout est si bien pensé et réfléchi, en plus d'être des plus accueillants.

Euh… mes moutons… euh…

Elle évita de justesse de répondre à la question d'Alex alors que tous les yeux se retournèrent vers les oiseaux qui s'envolèrent tout d'un coup en direction du petit chemin qui menait à sa maisonnette.

Une jeune fille vêtue d'une longue robe blanche, dont la chevelure était auréolée de petites fleurs, semblant tenir quelque chose dans les mains, s'avançait gracieusement vers eux.

Noctuel et Miellye se retournèrent vers Alex cherchant dans son regard, un signe quelconque leur indiquant si elle connaissait cette personne. Ils constatèrent qu'elle ne semblait pas étonnée…

Noctuel retira Arnold du sein maternel pendant que l'attention de celui-ci était concentrée ailleurs. Les petits se dirigèrent spontanément vers la jouvencelle, intrigués de voir quelqu'un de nouveau arriver.

'jour… dit Noctumiel qui afficha un sourire angélique. Il lui tendit sa petite main en guise de bienvenue, suivit de celles de ses soeurs!

Godeline se pencha et sourit au garçonnet : « Bonjour petit bonhomme ! » Elle regarda les fillettes et s'exclama « Mais que voilà de jolies demoiselles ! Et quel beau sourire vous avez tous ! » Elle leur donna la main et se sentit rafraîchie, comme si un petit courant d'air frais était passé lui enlever sa fatigue et son anxiété ...

Godeline de Clerc, l'amie de dame Caramal, lève les yeux, sourit à Alexandra, puis jette un coup d'oeil à côté de celle-ci... Elle voit un couple et des petites bêtes... La dame aux cheveux blanc devait être Miellye... et l'homme, ... Noctuel...

Les adultes surveillaient la scène. La mère, empreinte d'une fierté toute maternelle, se dirigea donc la première vers la jeune femme pour lui souhaiter la bienvenue parmi eux.

Un sourire franc aux lèvres, elle lui tendit à son tour la main, l'invitant tout naturellement à se joindre à eux, puisqu'il semblait évident que sa cousine la connaissait, à voir le sourire orné sur le visage des deux jeunes femmes.

Bonjour Dame, je me présente... je suis Miellye d'Escobalt la cousine de dame Alex et voici mon époux, Noctuel.

Quant aux enfants, vous connaissez déjà nos trois aînés, Grazielle, Imeldine et Noctumiel.

Elle se retourna, cherchant les deux rampants, lorsqu'elle les aperçut en compagnie de Dark. Les petits couraient à quatre pattes derrière la queue du chien qui les occupait en tournant en rond constamment.

Euh... le chien se nomme Dark, quand aux deux petiots, il s'agit de Moka et de Pépinot.

Soudain, elle reçut du groin derrière les genoux et un couinement se fit entendre.

Ah oui! puis se penchant vers Arnold dont elle gratta gentiment la tête, elle se retourna vers la dame et lui présenta le porcelet.

Quant à celui-ci, c'est notre fils, Arnold!

Elle ne put retenir un éclat de rire, voyant le visage étonné de la jeune fille.

Mais peut-être prendriez-vous quelque chose pour vour rafraîchir... il faut dire que nous profitons aujourd'hui d'un soleil d'été pour une journée de printemps!

Elle lui adressa un sourire l'encourageant à la suivre, alors qu'Alex se dirigeait vers elles tenant déjà en main un verre de Genepi qu'elle tendit à la damoiselle.

Alexandra sourit de satisfaction en contemplant la si jolie jeune Dame. Son arrivée était à point et pour ajouter à la beauté de la chose, les enfants avaient été l’accueillir. La plus grande des damoiselles offrit sa main au petit messire qui la conduisit auprès des grands. Lorsqu’elle fut arrivée près du jeune couple, la cousine offrit un sourire de ravissement à la jeune dame avant d’annoncer :

Noctuel, Miellye, voici mon invité mystère, Dame Godeline de Clerc.

C’était de courtes présentations mais elle savait que Dame Godeline avait parfaitement deviné toute seule qui était qui. Puis Miellye entreprit la suite des présentations sans oublier personne et encore moins Arnold ! Alex profita de ce moment de présentation plus officiel de toute la famille pour aller chercher un rafraîchissement pour la damoiselle. Quand elle revint près d’elles, Miellye était justement à lui demander si elle en désirait. De ce fait, la jeune cousine présenta à la jouvencelle le verre qui lui était destinéet l'invita à s'asseoir à la table où une place avait spécialement été préparer pour sa venue.

Son invité mystère? euh... il ne s'agissait donc pas de Marcus et des bébés marcassins...

Mais pourquoi faire tout ce mystère pour présenter une personne qu'Alex semblait affectionner...

N'y comprenant rien de rien, Miellye entreprit de faire les présentations d'usage sans se soucier davantage des intentions de sa jeune cousine parfois un peu excentrique tout comme sa défunte soeur pouvait l'être (paix à son âme)...

Alors, vous êtes d'Aix vous aussi?

Cette dame semblait très bienveillante, et il était bon signe qu'enfants et animaux se sentent naturellement attirés par elle, c'était manifeste dès les premières minutes.

Noctuel était intrigué, surtout que la dame le regardait d'une façon très intense, qui le laissait comme désarçonné, figé, démuni... À l'instar de Miellye, il voulut s'enquérir de l'origine de cette belle dame, et tout ce qu'il put bafouiller, en rougissant, fut:

Vous n'avez pas le type provençal, damoiselle Dodeline... euh... c'est bien là votre prénom?...

Godeline serre la main de Miellye, puis prend le verre de Genepi que lui tend aimablement Alexandra. Elle contemple les enfants qui s'amusent avec le chien et fait connaissance avec ce drôle de petit cochonnet au regard curieux...

« Non je ne suis pas d'Aix dame Miellye, je viens d'une région plus au nord, mais j'habite présentement à Lausanne, » répond-elle à Miellye d'une voix un peu tremblante.

Puis, ses yeux se posent sur lui, qui vient de l'appeller Dodeline ! Normalement elle aurait rougi et éclaté de rire, mais... non... son visage pâlit même un peu... Elle avance d’un pas, s’arrête, puis son regard devient embrouillé, son coeur se serre et des larmes se mettent à couler doucement sur ses joues. Le visage flou de dame Caramal flotte derrière ses larmes, ses dernières paroles lui reviennent en mémoire : « Va retrouver mon filleul... Remets-lui ce parchemin... Dis-lui que... » elle s'asseoit à la table pour se donner contenance et tente un sourire vers Noctuel en lui répondant « Je me nomme Godeline de Clerc... et j'étais l'amie de votre marraine...»

La jeune cousine laissa la demoiselle gérer la situation et lorsque le moment des larmes commença, elle resta silencieuse en lui affichant un sourire réconfortant.

Elle l’écouta répondre aux questions qui lui étaient demandées. Celles-ci étaient en opposition et aurait fait rire Alex dans n’importe quelle autre circonstance. Mais pas cette fois. Noctuel avait même bafouillé le prénom de la jeune fille ! Et aucun rire ne sortit de sa bouche. Quand des larmes se mirent à coulées sur les joues de la jouvencelle, elle sortit de sa poche un mouchoir en tissu cotonné qu’elle lui offrit tentant de se faire rassurante. Enfin elle prit le relais histoire d’offrir à la demoiselle quelque répit pour mieux se contenir :

Noctuel … Miellye … j’ai rencontrer Dame Godeline à Aix, elle devait faire le chemin jusqu’à vous pour donner quelque chose à Noctuel plus précisément. Elle a rencontré Ascram et Prouvencao alors qu’ils étaient en voyage et ils la guidèrent jusqu’à la capitale où nous nous sommes trouvées l’une et l’autre. Maintenant c’est moi qui la conduis à vous.

Puis Alexandra se tourna face à Noctuel pour le regarder dans les yeux, elle posa sur lui un regard doux et compatissant à la peine qu’il aurait :

Noctuel … il s’agit de Dame Caramal …

Entendant le mot Lausanne, le volatile Lauzène, qui se tenait toujours aux alentours de dame Alexandra, crut qu’on l’appelait et se dirigea vers dame Godeline, voletant tout autour sans toutefois oser se percher sur sa tête, la connaissant encore trop peu.

Quant à Noctuel, saisi par cette entrée en matière de Godeline et par les explications qui suivirent de la part d’Alexandra, il avait crispé la main, broyant le verre de génépi qui s’y trouvait. L’alcool mêlé de sang se déversa doucement sur le sol, devant trois dames interloquées.

Miellye qui jusqu'ici s'était tenue coït, imprégnée par l'ambiance ambigüe du moment présent, écoutait tour à tour la damoiselle Godeline et sa cousine.

Les enfants, ressentant une certaine tension inexpliquée, s'était tout naturellement regroupés autour de leurs parents.

Milles questions se présentaient déjà à l'esprit de Miellye.

Pourquoi cette femme pleurait-elle à présent… pourquoi Noctuel semblait troublé par sa présence… pourquoi le fixait-elle autant… elle prétendait venir du nord, mais déclarait vivre à Lausanne…

Tout cela semblait fort complexe et Miellye se transforma aussitôt en protectrice et défenderesse de son époux lorsque cette dernière affirma:

Citation :: ... et j'étais l'amie de votre marraine...

enchainée par Alexandra qui confirma en ces termes:

Citation :: Noctuel … il s’agit de Dame Caramal …

Une lutte intérieure se déclencha en Miellye... une sorte de duel entre l'épouse, la mère, et l'ex-lieutenant de police de Forcalquier qui revenait à la surface se disputant une place auprès des autres...

Lorque soudaine, le sang de Noctuel se répandit dans l'herbe...

Elle se leva rapidement, déchira une manche de son chemisier qu'elle trempa dans le pichet d'eau froide placé sur la table, pour l'enrouler autour de la main de son époux.

Maintenant une pression sur la plaie de son époux, elle se retourna vers la damoiselle et lui dit accompagné d'un regard méfiant et sur un ton défensif:

Et pouquoi venir troubler mon époux qui a suffisamment souffert de la perte de sa marraine et seule parente digne de ce nom, aujourd'hui???

Les émotions d’Alexandra se succédaient passant de l’inquiétude à la peine, à la peur de blesser, etc. Pourtant elle savait que ce moment ne serait pas facile et c’est pourquoi elle s’y était préparer. Elle parvint à rester calme au moment ou Noctuel se blessa à la main sous le choc de ce que l’on s’apprêtait à lui annoncer. Et comme Miellye c’était précipiter auprès de son époux déchirant une manche de sa chemise pour penser sa blessure, elle demanda alors pourquoi venir troubler se dernier autant. Alexandra poursuivit son discourt en regardant cette dernière la suppliant du regard de se calmer quelque peu :

Miellye …

Puis elle fit à nouveau face à Noctuel :

Noctuel … j’ai malheureusement le regret de t’annoncer que Dame Caramal est décédée … Dame Godeline, son amie qui était à son chevet à ce moment est venue te porter quelque chose de sa part …

En disant ces paroles, la cousine en avait le cœur déchiré pour lui. Mais elle avait préféré le faire elle-même et surtout le faire dans une ambiance plus propice à une telle annonciation permettant aux parents des enfants d’avoir quelqu’un qui s’occuperait des enfants et du repas afin de leur permettre d’assimiler le choc. D’autre part, elle souhaitait également que Noctuel et Miellye puissent échanger avec Dame Godeline afin d’apprendre à mieux la connaître. Peut-être aussi en savoir plus sur les derniers moments de vie de Dame Caramal. Peut-être y trouveraient-ils quelque réconfort.

Calmement elle se leva et alla chercher le nécessaire pour ramasser le verre casser pour éviter qu'un des enfants ne se coupe également et apporta un autre verre rempli de Génipi à son cousin. Peut-être que ce verre ci l'aidera à apsorber le choc...

Noctuel, blême, trouva la force de dire quelques mots:

Alexandra, je ne savais que trop bien que dame Caramal avait quitté le monde des vivants, la nouvelle m'en avait été portée il y a plusieurs mois, en février je crois... C'est le grand oiseau blanc de dame Caramal, Céleste, qui avait tenu en ses serres le parchemin confirmant la mort héroïque de ma marraine. Mais le choc de voir quelqu'un l'ayant connu a ravivé la douleur. Je, je, je...

Il s'accroupit dans l'herbe, cherchant son souffle... Arnold s'approcha pour le réconforter.

"Tant pis pour le verre de Génipi" se dit-elle tout en le déposant sur la table voyant que ce dernier s’accroupissait dans l’herbe. En un soupir de résignation, elle lui poussa une chaise.

Bon alors vient t’asseoir ici, tu y seras plus à l’aise afin que nous en discutions.

Alexandra ricana un peu histoire de détendre l’atmosphère. Elle qui croyait qu’il ne savait pas pour le décès de Dame Caramal. C’était là pour elle un grand soulagement d’une certaine façon de ne pas avoir à annoncer ce qu’il savait déjà.

Un bruit d'ailes se fit alors entendre...

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Alex leva les yeux au ciel alors qu’un bruissement ailé surplombait les airs. Elle trouva l’oiseau magnifiquement beau et en avait rarement vu de tel.

Miellye s'approcha de son époux pour s'asseoir à ses côtés dans l'herbe... elle glissa une main dans son dos, le caressant pour le réconforter pendant qu'Arnold, piteux le rejoignit également pour lui caresser la main avec son groin.

Miellye avait le coeur lourd pour son époux... le souvenir de cette journée lugubre fut renchérit par l'arrivée de Céleste qui surplombait le ciel, laissant placer au-dessus de leur tête, la présence d'une invisible dame Caramal tant regrettée.

Un long frisson parcourut Miellye et ses yeux s'embrouillèrent. Elle préféra demeurer là, silencieuse aux côtés de son époux.

Voyant Miellye s’asseoir aux côtés de son époux, résignée, elle prit place dans la chaise qu’elle avait tirer pour Noctuel puis observa encore l’oiseau planer au dessus de leurs têtes observant par le fait même une minute de silence pour la défunte.

Au bout d'un moment, Noctuel se jugea bien impoli à l'égard de cette visiteuse nordiste. Il se releva lentement, se tourna vers elle, et lui dit calmement:

Madame, merci d'être venue, je vous en sais gré... Que savez-vous exactement sur la mort de ma marraine?

Lorsque Noctuel se leva pour s'adresser à damoiselle Godeline, Miellye se releva également, appela les enfants à ses côtés et les amena un peu plus loin, laissant Noctuel seul à seul avec les deux jeunes femmes.

Ainsi, il serait plus à son aise et peut-être y avait-il des choses à entendre qui ne concernaient pas les enfants.

Avant d'aller jouer avec les petits un peu plus loin, elle regarda intensément son époux dans les yeux, lui signifiant qu'elle ne serait pas très loin s'il désirait sa présence à ses côtés. Elle eut cependant l'impression qu'il était tellement absorbé par ses pensées, ses souvenirs qui sans nul doute revenaient valser dans sa tête, qu'il ne perçut même pas sa présence...

Puis, elle se retourna vers les petits, releva Moka et Pépinot pour tenir leurs menottes et ils s'éloignèrent, enthousiasmés par la proposition maternelle. Ils iraient chercher des grenouilles pour les regarder sauter.

Godeline était restée silencieuse suite à la réaction un peu agressive de Miellye. Mais cela lui permit de comprendre l'amour profond qu'elle vouait à son mari...

Lorsqu'elle aperçut Céleste, un premier sourire s'esquissa sur son visage peiné... Céleste l'avait accompagnée sur la route pendant son long périple de façon libre et impromptue. Elle ne l'avait plus revu depuis son arrivée à Aix... Et voilà qu'il l'avait retrouvée ! Il devait être inspirée par le souffle de dame Caramal...

Elle laissa les enfants et Miellye s'éloigner, se préparant à répondre à la grande question de Noctuel...

Avant de commencer son récit, elle prit son verre de genepi et en avala une première gorgée. Elle sursauta quand le breuvage se fit un brûlant passage dans son gosier ! Puis elle se lança :

Dame Caramal m'a accueillie chez-elle à bras ouverts lorsque je me suis enfuie de chez mes parents parce que mon père voulait me faire épouser un homme contre mon gré. Elle devint ma meilleure amie, ma confidente et ma marraine de coeur. Je savais qu'elle avait déjà un filleul qui vivait très loin d'elle dans une grotte en Provence. Parfois un messager à cheval ou un pigeon épuisé lui apportait des nouvelles du sud et cela la mettait en joie pour plusieurs jours !

Un matin brumeux d'automne, la ville fut attaquée par un groupe de paysans revendicateurs mené par un ancien villageois évincé assoiffé de vengeance. En défendant sa ville, sa chaumière et son bien, dame Caramal s'est fait sauvagement assassinée près de la rivière qui coulait non loin de son champ... je l'ai trouvée là, alertée par son grand oiseau blanc qui tournoyait au-dessus de son corps en poussant de grands cris.

Comme je m'approchai d'elle, elle ouvrit les yeux et murmura mon nom... puis votre nom... Noctuel... elle m'envoya chercher un parchemin et un objet dans sa chaumière et avec ce qui lui restait de force, elle me fit promettre de vous le remettre. Puis soulagée, sa main dans la mienne, elle ferma les yeux pour toujours...

Je passai les jours suivants à pleurer et me cacher... Puis quand tout danger fut écarté, je pris mon baluchon et partit sur les routes pour vous retrouver, vous et Miellye afin de tenir ma promesse...

Je m'arrêtai quelques temps à Lausanne, pour travailler et achetai même un champ... mais un jour en taverne je fis la rencontre de Prouvencao, d'Ascram et de Selrach...

Elle reprit son souffle, puis une autre gorgée de genepi en faisant moins la grimace...

Godeline relatait ces faits douloureux avec une telle force d'évocation que Noctuel voyait... oui, il voyait véritablement sa marraine prise dans la tourmente, puis assassinée lâchement, rendant l'âme en prononçant son nom à lui. Cette vision était intenable, normalement Noctuel aurait dû pleurer toutes les larmes de son corps, mais il en était incapable, il se sentait tari. Il ne pouvait qu'écouter... écouter et voir.

Plus loin, dans un grand arbre, Céleste s'était posé, et on aurait dit que le majestueux oiseau blanc écoutait aussi.

Elle leva les yeux vers Noctuel et sentit toute l'émotion qui le submergeait... elle détourna le regard, ne voulant pas l'intimider et elle vit alors l'oiseau blanc dans toute sa splendeur qui la fixait de ses grands yeux dorés. Ils semblaient l'encourager à continuer son récit :

Quand j'apprends qu'ils sont de Provence, mon coeur fait un bond et je me renseigne sur les grottes du pays !

Ascram me dit qu'elle connait un couple qui habite une grotte à Forcalquier près d'Aix, et elle me donne même le nom de ces personnes... Ça y est, je bondis de joie ! J'ai trouvé le lien qui me mènera auprès du filleul de dame Caramal. Ils m'offrent généreusement de faire route avec eux et j'accepte avec empressement !

Nous partons tôt le lendemain et j'essaie d'adapter mon rythme au leur, mais entre Fribourg et Sion, ils disparaissent de ma vue ! J'arrive à une croisée des chemins, j'hésite longtemps et finit par prendre un petit chemin pastoral au milieu de champs de blé...

C'est ainsi que je les ai perdus, et j'ai dû demander ma route plusieurs fois et terminer mon voyage toute seule.
Heureusement, j'avais de quoi me nourrir ainsi qu'un plan de l'itinéraire par l'Italie que m'avait laissé Ascram...

J'ai passé plusieurs jours sur les routes d'Italie, je traversais des prés où paissaient de nombreuses vaches et des moutons, des champs de fleurs et des prairies où quelques cerisiers en fleurs égayaient le doux vallonnement des alentours.

Puis de plus en plus de vignes et d'oliviers se détachent du paysage un peu plus aride... Enfin la Provence ! Et 3 jours plus tard, enfin Aix !

Je fais des démarches pour rencontrer le maire qui me dirige vers l'hospice à Aix et devinez qui m'accueille à mon arrivée !

Par l'Italie!?! Pour le retrouver, dame Godeline était passée par l'Italie, peut-être peuplée de barbares ou de mangeurs d'enfants, il ne savait trop, n'étant jamais sorti de Provence, et de Forcalquier à grand peine. Il ne savait même pas que des routes unissaient la Provence et les provinces italiennes. Oui, cette femme avait le sens de l'honneur, ayant risqué sa vie pour respecter la parole donnée à une mourante... Une mourante, sa marraine... Déglutissant, il put à peine articuler:

Avait-elle l'air de beaucoup souffrir?

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