La maison d'Alexandra1

Alexandra écoutait en silence ces deux personnes qui lui tenaient beaucoup à coeur échanger eux aussi à propos d'une personne qu'ils ont chéri tous les deux. Elle était elle-même autant chargée d'émotion qu'eux.

Mais afin de leur permettre une plus grande discrètion sur le sujet, elle se leva et alla chercher les crudités qu'elle revint déposer sur la table à leur intention. Puis elle alla rejoindre Miellye et les enfants afin qu'ils en dégustent eux aussi tout en continuant de s'amuser.

Elle observait les enfants qui riaient à gorges déployées, regardant les grenouilles sautées par-dessus les minuscules petits cailloux que Miellye avait placées devant elles.

Au bout d'un moment, elle les appela pour continuer de se promener, cueillant sur leur passage, tantôt du muguet, tantôt de la lavande.

Ahhhh, la lavande! Miellye adorait toujours autant l'odeur répandue par celle-ci ainsi que les souvenirs qui y étaient rattachés.

Tout en marchant, elle réfléchissait… Elle s'en voulait de s'être ainsi emportée car pour qui ne la connaissait pas, elle pouvait sembler agressive en de tels moments, alors qu'il n'en était rien du tout! En fait… elle devenait sur la défensive mais certes pas agressive! Elle n'avait jamais! Jamais au grand jamais fait de mal à quiconque!

Bien sûr, certains avaient déjà goûtés à son caractère mais jamais elle n'avait fait de mal. Elle était spontanée, s'emportant sur le moment mais redescendait aussi vite qu'elle était montée, pour ensuite… ronronnée…

Elle était mère et épouse! Aussi, lorsqu'elle sentait une menace quelconque, se transformait-elle en louve dès qu'on s'approchait de ses louveteaux et de leur père!

Toute à ses réflexions… sans réaliser les pas parcourus… elle arriva face à la grotte à son grand étonnement, tout autant qu'à celui des petits.

Elle se reprit, les regarda en souriant et prétexta venir changer sa chemise avant de retourner auprès de papa.

Rapidement, pendant que les petits jouaient avec les tortues, elle se rafraichit avant de passer une chemise propre, revoyant dans sa tête, le sang de son époux qui s'écoulait dans l'herbe...

Un pincement au cœur… les yeux soudains embués… elle plongea une dernière fois ses mains dans l'eau pour rafraîchir son visage.

Elle redressa fièrement la tête malgré la douleur laissée par l'indifférence de Noctuel qui était dans son "monde", dans son "univers", seul à affronter le récit des derniers moments de dame Caramal transmis par son amie, dame Godeline… mais c'était SON choix!

Elle l'aimait! Elle respectait le fait qu'il ait eut besoin de cette solitude… Elle comprenait qu'il en avait certainement besoin… Elle ressentait sa douleur profonde…

Elle qui avait toujours été à ses côtés… Elle qui lui avait toujours tenu la main dans ses bons et ses mauvais moments de la vie… Elle qui avait maintes fois souffert avec lui en silence… savait qu'aujourd'hui, elle devait s'effacer…

Sortant de la grotte, elle essuya ses yeux du revers de la main… sans doute quelques poussières portées par le vent…

Elle se pencha pour prendre Pépinot qui avançait vers elle rapidement, fuyant une tortue qui le pourchassait. Elle annonça aux enfants qu'ils retournaient voir papa et tante Alex.

Les petits qui connaissaient bien la route maintenant, partirent devant, Moka trottant derrière eux en compagnie d'Arnold qui se faisait un devoir de marcher à ses côtés.

Elle s'arrêta, portant la main en visière au-dessus de ses yeux, à cause du soleil pour apercevoir Alex qui se dirigeait vers eux lorsqu'elle remarqua du même coup, Céleste, le spectre de dame Caramal, perché sur un grand arbre, observant son époux et la jeune femme.

Tout naturellement, par pudeur et par respect, elle détourna la tête, puis accéléra le pas afin de rejoindre sa cousine.

Alex… et si on s'occupait toi et moi de faire manger les enfants? Tu sais… je crois qu'ils ont grandement faim! Et si tu veux bien… aide-moi à les tenir éloignés de tout ça!

Sa cousine ne fut pas dupe… elle plongea son regard dans celui de Miellye, s'approcha d'elle, passa un bras autour de ses épaules et lui adressa un sourire affectueux avant de lui dire:

Je crois qu'un verre de Genepi saurait faciliter ta digestion Miellye!

Et Miellye ne put retenir un grand éclat de rire tout en acquiesçant de la tête!!!

Elle murmura dans un souffle : oui....

Puis elle lui tendit un parchemin tout froissé et ouvert... ce parchemin qu'avait préparé dame Caramal pour son filleul et qui avait voyagé à travers des contrées lointaines jusqu'à lui... Enfin elle tenait sa promesse...

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Elle reprit une gorgée de genepi pendant que Noctuel lisait :

« Cher filleul,

Si jamais il m’arrivait de quitter cette terre d’une façon soudaine et brutale, je souhaite que ce parchemin que je viens d'écrire à ton intention et que ces objets te soient remis..

Je te laisse mon champ et ma chaumière en Artois en guise d’héritage... Ils sont en bonne condition, mais la maison demanderait un peu de travaux pour la remettre fraîche et pimpante... quant au champ, il vient avec deux bêtes exotiques rapportées par Gigagil lors de son voyage le plus long . Elles font un bon travail au niveau de la tonte et de l'engrais !

Mais si jamais cela s'avère un trop lourd héritage et que vous n'avez aucune attirance pour l'Artois et pour Calais et sa mer froide en particulier, tu décideras avec Miellye de ce que tu comptes en faire. Tu peux les revendre, les louer ou autre idée que tu pourras avoir ! L'important est que tu en retires quelque chose qui t'aidera à élever ta famille et à choyer ta belle et tendre Miellye.

J'ai un projet de voyage vers le sud bientôt avec Gigagil, car j'aimerais bien connaître Miellye et les enfants... mais si tu lis ceci, c'est que cela ne pourra pas se faire....

Je te souhaite d'être heureux mon filleul et de toujours conserver dans un coin de ton coeur le souvenir de ta marraine, Dame Caramal. »

Noctuel était tout à fait ébahi par le contenu de cette missive d'outre-tombe. Un héritage en Artois, pour lui et Miellye!!?? Il chercha celle-ci du regard... pour se rendre compte qu'elle avait disparu, avec les enfants et les animaux... Tout de suite, il se prit à craindre le pire: un enlèvement par une bande de brigands, dont il n'aurait rien su, étant en état de choc et absorbé par ce qu'il apprenait... Il observa Céleste tout là-haut, qui connaissait peut-être la réponse à cette énigme, mais ne pouvait la révéler, cryptique oiseau qu'il était.

Au bout de longues minutes, qui lui parurent de longues heures, il aperçut Miellye et toute la troupe, qui semblaient avoir emprunté le chemin de la grotte, et qui rejoignaient Alexandra, qu'il avait aussi perdue de vue...

Miellye, Miellye, j'ai quelque chose d'important à t'annoncer, dans la foulée des révélations de dame Godeline...

Miellye et Alex, accompagnées des enfants, approchaient de la demeure. Leurs rires ainsi que ceux des enfants retentissaient dans la prairie.

Ils entrèrent dans la maison et Alex s'empressa de servir à Miellye un grand verre de Genepi que cette dernière avala presque d'un trait, sous les yeux d'Alex qui s'agrandissaient au fur et à mesure que la boisson diminuait du verre de sa cousine.

Miellye lui tendit son verre en lui disant:

C'est fou ce que ça rafraîchit! J'ai une de ces soifs!!!

Elles éclatèrent à nouveau de rire, pendant qu'Alex s'emparant de la bouteille de Genepi, remplissait à nouveau son verre.

Puis, elles préparèrent de petites assiettes, pour les enfants qui commençaient à se faire impatients, qu'elles allèrent porter sur la table que la jeune cousine leur avait réservée. Elles les installèrent bien assis sur leurs chaises et les petits commencèrent à déguster tous les mets qu'elles avaient placés dans leurs assiettes. Visiblement, ils étaient affamés!

Noctuel appela à nouveau Miellye, espérant cette fois qu'elle l'entendrait puisque les petits se faisaient silencieux… leurs bouches occupées à se sustenter…

Au son de la voix qui l'appelait, elle releva la tête et Alex vit surgir dans les yeux de sa cousine, une infinie tendresse.

Elle se retourna et s'avança jusqu'à lui.

Tu m'as appelée Noctuel?

Rougissante, elle adressa un sourire bienveillant à la jeune Godeline.

Manifestement, elle regrettait son emportement protecteur, au point où ses yeux s'embuèrent, trahissant une fierté qu'elle aurait voulue conserver intacte.

Voyant que Miellye répondait à l’appel de son époux, Alexandra traîna la bouteille jusqu’à eux pour remplir les verres à nouveau. Maintenant que les petits étaient occupés à manger, elles pouvaient s’asseoir en compagnie des deux autres grands.

Noctuel était rassuré de savoir Miellye à nouveau à ses côtés. Il prit sa main, qu'il serra si fort qu'elle en sursauta, sans toutefois oser la retirer de la sienne. Le mari regarda son épousée d'un air grave, et lui dit:

Miellye, regarde bien le parchemin que vient de me remettre dame Godeline, qui l'a transporté avec elle par monts et par vaux, et jusqu'en terre italienne! Figure-toi que... j'ai encore peine à le croire... figure-toi que nous sommes propriétaires de biens fonciers en Artois!! Il s'agit d'un legs de dame Caramal, ma noble marraine de regrettée mémoire...

Miellye écoutait attentivement son époux… celui-ci semblait si grave…

Elle regarda le parchemin provenant de feue Dame Caramal semblant impassible alors qu'au fond… tout se bousculait!

Elle n'avait jamais osé dire à qui que ce soit… pas même à son époux… que… osé dire qu'elle avait bien souvent espérer que celle-ci leur rendre visite et combien pour elle, dans son cœur… Miellye avait tant désirée la voir… rien ne lui aurait fait plus plaisir… elle avait souhaitée bien des fois la connaître, espérant qu'elle devienne un jour… sa mère de cœur! Mais ce rêve avait été emporté avec elle… Et surtout… jamais! Jamais elle ne connaîtrait leurs enfants!!! Miellye aurait tant voulue que les petits l'appellent : Mamie!!!

Et voilà! Elle se sentait si ébranlée en regardant ce document… Elle n'osait lui toucher… par peur… par respect… elle ne savait plus… ne savait pas… tout était si confus…

Elle releva la tête vers le grand oiseau blanc toujours perché sur la branche du gros arbre…

Spontanément, elle se leva sous les regards étonnés de Noctuel, de damoiselle Godeline et d'Alex, pour se diriger machinalement vers Céleste qui l'observait s'avancer vers lui. Il ne bronchait pas! Quant à Miellye... elle n'écoutait plus… n'entendait plus…

Arrivée devant lui, elle s'arrêta… son cœur battait à tout rompre… elle aurait tant voulue que la marraine de Noctuel soit là… elle aurait voulue que son époux puisse une dernière fois la saluer… elle aurait voulue la lui ramener… connaître au moins une fois la chaleur de ses bras…

Soudain… presque machinalement… elle leva son bras vers l'oiseau si majestueux… et celui-ci, déployant toutes grandes ses ailes vint se poser sur le perchoir offert si spontanément.

Un silence régnait… ils se fixaient tous les deux, droit dans les yeux… on aurait presque dit qu'ils "communiquaient"…

Miellye très délicatement, déposa sa main libre sur la tête de Céleste pour le caresser. L'oiseau pencha sa tête pour recueillir les caresses offertes, émettant une sorte de hululement plaintif semblant vouloir démontrer à tous, les dernières souffrances de Dame Caramal…

Noctuel, Godeline et Alex regardaient la scène sans que personne n'ose briser ce moment où tous les deux, Miellye et Céleste, semblaient envoûtés l'un par l'autre.

À chaque hululement plaintif qu'émettait l'oiseau, une nouvelle larme glissait sur les joues de Miellye, comme si celles-ci s'étaient harmonisées avec les douleurs décrites par l'harfeng de cette grande Dame!!!

Les souffrances que ressentie Dame Caramal… devenaient siennes dans l'instant présent…

Godeline n'osait plus respirer... les larmes coulaient sur son visage ... il se passait quelque chose de grave, de mystérieux... c'était au-delà des mots.

Ce moment resterait gravé pour toujours dans sa mémoire, elle le savait... c'était un moment d'union intense avec l'ici et l'ailleurs...

Quelques grosses roches basses se tenaient à proximité d'eux. Moka et Pépinot, échappèrent à la surveillance des grands qui étaient absorbés par l'intensité du moment et approchèrent de leur mère et du grand oiseau blanc.

Celui-ci regarda une dernière fois Miellye qui eut l'impression qu'un sourire apaisant, rassurant, se forma dans les yeux de l'oiseau. Il s'envola à peine plus loin pour se percher sur une des grosses roches… Moka et Pépinot accélérèrent la cadence en vue de rattraper Céleste qui, comme si tel était son intention, descendit un peu plus bas sur la roche et abaissa sa tête vers eux.

Les petits, prenant appui d'une main sur la roche, se levèrent tendant leurs menottes vers la tête de Céleste qui se laissa gentiment caresser avant de sauter sur l'autre roche tout juste à côté de celle-ci. Les petiots repartirent de plus belle, toujours à quatre pattes pour rejoindre l'immense oiseau blanc qui suscitait tant d'intérêt. À nouveau, ils se relevèrent et prenant appui d'une main sur la roche, se relevèrent pour tendre leurs menottes vers celui-ci qui sautilla presqu'immédiatement sur la roche suivante…

C'est alors que Miellye demeura sidérée, regardant la scène… Les petits retirèrent leur main qui leur servait d'appui sur la roche, pour se tourner vers l'oiseau, levant leurs deux petits bras en l'air et avançant un peu maladroitement mais… debout!!!

Le cœur de Miellye ne fit qu'un tour! Regardant les petits qui avançaient se dandinant d'un côté puis de l'autre, presque chancelants, pour enfin atteindre Céleste qui se laissa caresser, manifestant sa joie par de tous petits ululements de satisfactions, lorsqu'il se retourna vers Miellye qui eut l'impression que l'oiseau lui adressait un clin d'œil de connivence…

S'agissait-il bien de Céleste ou de… Miellye n'osait l'exprimer… et lorsque Grazielle, Imeldine et Noctumiel s'approchèrent doucement pour tendre à leurs tours leurs mains vers le majestueux oiseau blanc (habitués très tôt par leurs parents à la façon dont on doit aborder un animal) et que celui-ci s'étire pour leur facilité la tâche… Miellye eut soudain l'impression inexplicable que dame Caramal faisait enfin la connaissance des petits!

Elle dut prendre place sur une des petites roches, s'y glissa en s'asseyant observant toujours les petits et… l'oiseau…

Celui-ci délaissa les petits pour se tourner vers elle… il semblait soudain l'observer intensément… Miellye sourcilla se demandant pourquoi il la scrutait ainsi lorsque l'oiseau vint se poser sur ses cuisses et caressa son ventre de petits mouvements de tête…

Miellye releva la tête et fixa son époux… elle ne lui avait pas encore parlée de ses doutes quand à une nouvelle grossesse puisque celle-ci lui semblait impossible puisqu'ils utilisaient les protections ovines…

Ses yeux retournèrent à l'oiseau qu'à son tour elle caressa avant que celui-ci ne s'envole pour retourner sur la branche qu'il avait pris d'assaut à son arrivée plus tôt.

Miellye sentait son cœur s'emballer… elle fixa à nouveau son époux pour aussitôt retourner sa tête vers l'oiseau… elle ne parvenait pas à faire ou à dire quoique ce soit… comment auraient-ils pu comprendre… comment auraient-ils pu tous savoir que… dame Caramal était plus présente que jamais!!!

Semblant soudain sortir d'un monde intemporel, Miellye se leva et s'avança vers Noctuel entourée des petits et précédée de Moka et de Pépinot qui se dirigeaient vers leur père, les bras tendus, lui offrant en quelque sorte leurs premiers pas!

Une douce sérénité se dessinait sur le visage de Miellye qui observait les petits, avec toute sa fierté maternelle et qui dit à Noctuel:

Pardonne-moi mon époux mais... tu voulais me parler de quelque chose?

Oui Miellye, mais avant toute chose, dis-moi si j'ai rêvé. Est-ce que Pépinot et Moka ont... marché???? De l'angle où j'étais, il m'a bien semblé qu'ils avaient fait quelques pas pour rejoindre Céleste.

Miellye lui répondit qu'elle avait vu la même chose que lui. Leur famille comptait ainsi deux bipèdes de plus, Arnold demeurait toutefois quadrupède, l'espoir qu'il imite Moka et Pépinot était bien faible.

Ensuite, Miellye inspecta à nouveau, très soigneusement, le parchemin qui avait franchi tant de lieues, entre les mains de Dame Godeline. Noctuel lui dit qu'il ne tenait pas tellement au lopin de terre et à la maisonnette, mais qu'il souhaitait toutefois qu'il en soit fait bon usage, à la mémoire de dame Caramal.

Peut-être pourrions-nous en faire don à la commune de Calais, pour servir au mieux-être des miséreux de l'Artois. Par contre, un passage du parchemin me tracasse énormément. Il y aurait là-bas deux bêtes exotiques laissées à l'abandon.

Il se retourna alors vers dame Godeline et lui demanda:

Que sont ces bêtes au juste, et sont-elles en péril? Vous savez, je m'inquiète beaucoup du sort de toutes les créatures d'Aristote.

Alexandra était totalement subjuguée par tout ce qui venait de se dérouler sous leurs yeux. Elle restait sans voie et laissa Miellye ainsi que Noctuel continuer à discuter à propos de leur héritage. Il va de soit que c’est à eux d’en décider. Mais quelques informations supplémentaires demandés à Dame Godeline n’était pas de trop non plus.

Godeline encore très émue par ce qui vient de se passer répond à Noctuel : Ce sont deux animaux très dociles et très intelligents. Il y a un mâle et une femelle... Dame Caramal avait nommé la femelle Alice et le mâle Paco ! Elles avait beaucoup d'affection pour ces bêtes un peu plus grandes que le mouton et leur toison est si dense et douce !

Elle avait même confectionné un genre de poupée qui leur ressemble avec leur propre laine ! Regardez ...

Elle tend l'objet à Miellye et Noctuel

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Lorsque Miellye entendit Noctuel dire:

Citation :: Est-ce que Pépinot et Moka ont... marché???? De l'angle où j'étais, il m'a bien semblé qu'ils avaient fait quelques pas pour rejoindre Céleste.

Elle sourit à son grand nigaud de mari et lui dit un simple "Oui"!

Elle prit place sur la chaise à ses côtés, et sourit à Godeline tout en prenant le parchemin tendu pour l'examiner attentivement et l'analysa du mieux qu'elle put.

Puis, elle écouta ce que son époux avait songé à faire avec le legs de dame Caramal et attendit que damoiselle Godeline réponde aux interrogations de son époux.

Ils écoutèrent très attentivement les explications de Godeline et Noctuel, le premier, examina la petite poupée fabriquée par feue sa marraine et la remis ensuite à Miellye qui la tournait et la retournait dans tous les sens tout en réfléchissant.

Un mâle… une femelle… de la toison… Alice… Paco… mais… mais…

On eut dit que Miellye était captivée par la poupée. Elle la caressait, la palpait, la portait à ses joues, l'y frottait, la caressait à nouveau. Oui! Effectivement sa toison était si douce qu'on voulait s'y blottir.

Elle se tourna vers Noctuel, puis vers Godeline, elle ne savait plus quoi dire… Un espoir renaissait quant à un troupeau potentiel et surtout que celui-ci venait directement de dame Caramal.

Elle se leva d'un bond, courut vers les petits, poupée en main, la frottant sur leurs petits visages, sur leurs peaux si délicates et fit de même envers sa cousine qui riait de voir Miellye si excitée par cette découverte.

Soudain, le sourire se dissipa sur son visage… elle regardait tour à tour, Arnold, puis Noctuel.

Elle appela le porcelet qui ne se fit pas prier pour se rendre près d'elle, se pencha vers lui, retira sa chemise tout en lui parlant doucement caressant son corps tout entier avec la poupée.

Ensuite, elle demanda à son époux de se rendre dans la maison d'Alex, par pudeur et par respect pour ces dames et pour lui, et de frotter la peau de sa poitrine avec la poupée.

Sur le moment, il demeura estomaqué par la demande de son épouse, puis il se rappela: sa fièvre, les cochons volant, Arnold chef de meute, le médicament et surtout… la bassine…

Oui, Miellye avait raison! Avant de s'emballer, mieux valait s'assurer que tout allait bien.

Elle le regarda se rendre à l'intérieur de la maisonnette d'Alex et pendant ce temps, elle expliqua à Alex et à Godeline, le mal dont avaient soufferts Arnold et son époux et qui l'avait obligée à se départir de son troupeau de moutons. Ils étaient tous les deux allergiques à la toison ovine!

Elle ne pouvait s'empêcher d'être quelque peu agitée, secouant une jambe sous la table et observant la porte de la maison d'Alex.

Elle prit Arnold dans ses bras et l'examina partout où la poupée avait parcourue son corps… Et rien… rien n'apparaissait…

Elle refit le test une autre fois et attendit… Par précaution, voyant que le porcelet montrait quelques signes d'exaspération, Godeline crut bon de reprendre diplomatiquement la poupée des mains de Miellye, prétextant vouloir lui parler plus amplement des caractéristiques de l'animal.

Sans aucune opposition, Miellye qui surveillait la porte, la lui remit docilement.

Un grincement se fit entendre… Noctuel apparut dans l'embrasure de la porte…

Miellye serra très fort Arnold tout contre elle et attendit impatiemment que son époux daigne sortir de là…

Alexandra était sur le qui-vive observant Noctuel planté dans la porte de sa maisonnette ! Toute réaction était ardamment attendue !

ATCHOUUUUUUUUUUUUM!

Il y eut un lourd silence...

Mais non, je plaisante, ne faites pas cette tête!! Cette toison est d'une douceur telle que je n'en ai jamais connue, et ma peau est restée blanche et lisse. Ces animaux, je crois que ce sont les mêmes dont un voyageur m'a parlé à la boulangerie. Ils viennent des pays du Sud, mais se plaisent beaucoup dans les alpages, et c'est pourquoi on les appelle des alpageois. Mais d'alpages... point en Artois, seulement un peu de foins maritimes... Alice et Paco doivent être bien maigrichons, je le crains.

Miellye fit les gros yeux à Noctuel lorsqu'il la rassura. Elle aurait presque voulue lui donner du bâton tellement elle était furieuse contre lui de lui avoir fait si peur!

Mais elle était tellement contente de constater que ni lui, ni Arnold qu'elle retourna dans tous les sens, ne fassent de réactions qu'au fond... ses taquineries lui étaient égales!!!

Mais... mais... ne me dis pas que personne ne les as nourris depuis le départ prématuré de dame Caramal! Oh non!!!!

Arfffffffff! Que je suis stupide! Ils doivent paître quelque part dans les champs...

Des Alpageois dis-tu! Ciel que tu es connaissant Noctuel! Tu sauras toujours m'étonnée!

Je prépare mes bagages de ce pas et vous, damoiselle Globeline, faites-moi un plan pour la route à suivre, voulez-vous?

Miellye était si fébrile qu'elle s'emportait comme à son habitude, prenant le contrôle de ce qu'il y avait à faire, selon ce qu'elle en concevait bien sûr!

Noctuel, tu peux t'occuper des petits pendant mon absence? J'irai seule les chercher et je les ramènerai ici! Oui! Oui! Je dois faire ça comme ça! C'est ce que dame Caramal aurait voulue!

D'ailleurs, je partirai dès ce soir! dit-elle catégoriquement alors que tous soupiraient se demandant comment la faire changer d'avis.

Arnold quant à lui, s'était réfugié dans les bras paternels, fatigué de se faire retourner sans cesse comme un rôti...

Euh... je crois que dame Godeline a parlé, entre l'Artois et la Provence, d'un périple de plusieurs semaines... voire de plusieurs mois... et c'était l'aller seul! Et il y a le risque de brigandage, voire d'assassinat!! Miellye, nous, ta famille, avons besoin de toi, comment peux-tu même songer à nous laisser à nous-mêmes si longtemps?... Pense à tes six enfants, à ton époux qui n'est rien sans toi...

Hmmm, mais j'y pense... ce voyageur qui m'a parlé des alpageois... il est justement dans le négoce et le charroyage des bestiaux, il parcourt sans arrêt les royaumes du midi au septentrion, et du levant au ponant. Il voyage en caravane, de façon organisée et preste. Il passe ici fréquemment, alors je pourrais lui demander, contre rétribution bien sûr, de se charger du transport d'Alice et Paco, qui pourraient ainsi nous rejoindre assez rapidement. Qu'en dis-tu??

Noctuel! Ne dis pas que je ne pense pas à vous! Je voulais répondre aux espoirs d'une défunte qui t'a légué tout ce qu'elle possédait!

Tu me fais de la peine en parlant ainsi! Et puis... je le proposais pour nous tous! Tu sais que je suis très forte maintenant! J'en serais capable!

Mais... mais... tu es mon époux et chef de famille! Aussi en tant que tel, je t'écouterai. Tu sais trop bien que je te respecte et que j'ai toujours écoutée tes désirs. Mais je t'en prie... ne dis plus jamais que je ne pense pas à vous!!

Cependant, si ce voyageur est déjà dans les environs, alors je comprends qu'il serait plus simple qu'Alice et Paco voyagent avec lui!

Vite... envoie-lui Popeye et Olive avec des écus pour bien les nourrir en route les pauvres.

Miellye courut chercher parchemins, plume et encrier dans la maison et les apporta à son époux.

Vite Noctuel! Vite! Je t'en prie! Si tu fais rapidement... euh... je te ferai un joli noeud ce soir!!!

Miellye devint rouge écarlate, se rendant soudain compte de la présence de sa cousine et de damoiselle Godeline.

Elle se rappela tout à coup, qu'ils n'avaient plus besoin de protections ovines mais comme Noctuel l'ignorait encore...

Pudique, Noctuel était très mal à l'aise que Miellye fasse ouvertement allusion à leur nodosité devant deux jouvencelles non mariées. Mine de rien, il enchaîna:

Le sieur en question est parti il y a quelques jours, il est déjà sur les routes du Nord, hors de portée de Popeye et Olive, mais je lui écris de ce pas en faisant appel à un pigeon professionnel.

Noctuel prit immédiatement la plume:

Cher messire Bradesabot,

Le soussigné est Noctuel, boulanger à Forcalquier, dont vous rappelez sûrement. Comme vous êtes en route vers le Nord, je voudrais vous confier un mandat de la plus haute importance. À Calais vivent deux alpageois qui m'ont été légués par feue leur maîtresse, ma marraine Caramal. Ils ont pour nom Alice et Paco, vous les trouverez sans peine en vous informant au sieur Gigagil. Il s'agit de les ramener à Forcalquier, en échange de quoi je vous verserai les honoraires que vous jugerez à propos, ainsi que tous les frais pour l'entretien des alpageois pendant leur transport.

Merci de donner suite à cette requête formulée sans préavis,

Noctuel

Miellye avait les coudes appuyés sur la table et elle posa son menton au creux de ses mains entrouvertes, l'oeil à l'affût de chacun des mots que son époux traça sur le parchemin.

Elle était admirative! Oui, c'est bien le mot à utiliser! Elle était en admiration devant son époux dont elle était si fière!

Les deux yeux grands ouverts, les lèvres qui semblaient murmurer les mots qu'il écrivait...

Pépinot s'accrochait après ses jupons et ses petites jambes qui fendaient l'air pour tenter de monter sur maman. À force de persévérance et d'acharnement il y parvint à monter sur ses cuisses aidé par un groin qui poussait son derrière.

Miellye sourit et relâcha sa prise pour l'asseoir sur elle, le ceintrant d'un de ses bras et déposant un tendre baiser sur sa tête blonde comme celle de son père.

Noctuel! Tu as parlé d'un pigeon professionnel! Mais... euh... mon époux, qu'est-ce qu'un pigeon professionel?

Eh bien Miellye, c'est très simple. Considère la situation de Popeye et Olive: ce sont des pigeons amateurs, qui transmettent quelques messages à l'occasion, pour nous faire plaisir, et sans doute aussi pour se distraire un peu en voyant du pays. Ils le font sans se hâter, en dilettantes quoi! Mais un pigeon professionnel, c'est autre chose! Ces oiseaux sont dressés pour ce faire, c'est leur métier en quelque sorte. Ils franchissent des distances énormes sans jamais se trouver démotivés ou désorientés, parce qu'ils savent qu'en remplissant leur mission, on leur donnera à l'arrivée des graines de luxe: alpistes, fèveroles, vesces ou chènevis. Comme cette mission est capitale, je confierai mon message à un pigeon professionnel dès mon retour au village, et je sais à l'avance que le sieur Bradesabot le recevra en un temps record! Et nos alpageois n'en arriveront que plus vite.

Alexandra était épaté par les connaissances de Noctuel en la matière. Elle eut une petite pensée pour William Le Postier qui travaillait à l'hôtel quand ce dernier parla de Popye et Olive.

Tu vois Miellye, Popye et Olive jouent un peu le même rôle que William Le Postier à l'hôtel. Il va porté nos missives aux gens de la ville mais comme c'est un petit garçon, il ne parcours pas de grandes distances comme d'aller d'Aix à ici tu vois ? Quant à William il récolte des miches de pains ou quelques écus et pour tes oiseaux, c'est d'abord votre affection, de l'eau et des graines. Voilà !

La jeune cousine sourit fièrement au couple et à son invitée de sa comparaison !

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